Kumbha Mela 2013 – Le camp est désert lorsque je me réveille ce matin. Etrange impression après l’avoir vécu avec une vie intense. La pluie a cessé, bien que le ciel reste encore couvert et qu’il fasse froid. Étonnamment, le sol a déjà bien pompé les mares qui s’étaient formées dans le camp. Un fort vent continue cependant à souffler sur la Kumbha Mela et j’en profite pour étendre où je peux mes habits encore détrempés de la veille et ceux de Lavinia.
Autour de moi, le camp est méconnaissable. La tempête y a détruit plusieurs tentes, de grandes flaques d’eau recouvrent la majeure partie du camp, les tentures de la salle centrale ont été arrachées et flottent au vent. Bien que s’étant légèrement inclinée durant la nuit, la tente dans laquelle nous avons dormi est une des rares à avoir bien tenu le coup, malgré les infltration d’eau sous les parois. Ayant dormi dans notre canadienne, ces infiltrations ne nous ont heureusement pas posé problème.
En train de tomber malades
C’est loin d’être la grande forme. Je suis épuisé, j’ai de la fièvre et un bon mal de tête, je tousse comme une Entfield et je suis vaseux. Lorsqu’elle émerge, Lavinia est dans un état presque comateux et ses maux de ventre de la nuit n’ont pas cessé. Elle n’a plus de force et somnole constamment, restant couchée, somnolante, la majeure partie de la matinée. On n’a presque rien mangé depuis vingt-quatre heures, mais aucun appétit, ce qui tombe plutôt bien, car on n’a rien à manger. Les rajasthanis nous ont proposé de nous laisser à manger hier soir avant de partir, mais on a refusé. Un pâle soleil apparaît parfois quelques instants à travers la couche de nuages, laissant espérer une amélioration dans la journée.
Scènes de désolation
La région est sinistrée et la tempête a laissé de graves séquelles dans la Kumha Mela. Notre camp est dans un état de désolation totale, les tentes sont disloquées, voire effondrées. Les camps environnants sont également dans un pitoyable état. Leurs toits sont envolés ou sérieusement endommagés, certaines structures se sont effondrées, des mares de boue couvrent encore de grandes surfaces un peu partout.
Juste derrière notre tente, un bus est embourbé au milieu d’une prairie. Deux tracteurs y sont arrimés, leurs grandes roues tournant sur place, tandis qu’ils mettent les gaz pour dégager le lourd véhicule qui ne bouge pas d’un centimètre. Puis, des indiens essaient de creuser autour des roues du bus dans l’espoir de le faire sortir de sa gangue de boue, sans succès. Pour finir, ils laissent tomber, préférant attendre que le sol s’assèche.
Le camp est démonté
Vers midi, un camion rempli d’ouvriers débarque pour démonter les tentes et toutes les autres structures du camp. On va devoir trouver un autre lieu d’hébergement dans la journée, mais ça va être un sacré challenge vu notre état général, le nombre de camps qui ont fermé et l’état de délabrement de ceux qui restent alentours. Moji Baba m’a donné l’adresse d’un autre camp où nous pouvons nous adresser, mais c’est au secteur 4, presque à l’autre bout de la Kumha Mela. On ne se sent pas la force d’aller jusque là-bas pour prospecter, et encore moins d’y trimbaler nos affaires qui se sont bien alourdies après l’achat des couvertures hier et la récupération du matériel laissé chez Moji Baba en début de semaine.
Le camp voisin
Je me traîne péniblement jusqu’au camp voisin, où il règne encore une certaine activité. Je demande s’il est possible d’y être hébergés pour la nuit, mais j’apprends qu’ils partent le soir même et que tout est en train d’être démonté, ce que confirme un rapide coup d’œil autour de moi. Les pèlerins sont installés au centre de la grande tente commune avec leurs affaires prêtes à être embarquées. La plupart sont couchés sur des couvertures, somnolant dans l’attente de leur bus. Toutefois, comme notre camp commence à être démonté, ils nous accueillent volontiers jusqu’à leur départ.
On y déménage donc nos affaires et Lavinia se repose sous la grande tente à moitié disloquée. Les indiens qui nous entourent sont aux petits soins avec elle, tout inquiets de son état. Ils vont chercher un guru qui lui tâte le pouls, on lui apporte à boire, on lui donne des couvertures supplémentaires, des médicaments. Mais elle a surtout besoin d’être tranquille dans son coin et trouve un peu lourde l’attention dont elle est l’objet.
A la recherche d’un autre hébergement
Pendant ce temps, je cherche une autre solution pour la nuit. Il n’y en a pas trente-six : c’est dans le camp d’Anandji, l’avocat, ou à l’adresse donnée par Moji Baba. Je vais au plus proche, même si rester chez l’avocat ne m’enchante pas trop. Son manque de fiabilité me déplait. Il parle beaucoup, mais c’est que du vent. Il n’assure pas ensuite. Je l’appelle malgré tout et il me dit qu’on peut sans problème s’installer dans son camp, qu’il y sera entre 14 et 15 heures. Par acquit de conscience, on part jeter un œil à son camp au secteur 8, avant d’y amener nos affaires.
Je retrouve Alain Carayol
Lorsqu’on arrive, il est 16 heure passée et le camp, à moitié inondé, semble presque désert. Pas d’Anandji. Certaines tentes ont dix centimètres d’eau à l’intérieur, malgré l’épaisse couche de paille qui en recouvre le sol. On tombe enfin sur un des participants de la soirée bhajans qui s’active dans la cuisine. Bien qu’il ne parle pas anglais, j’arrive à lui expliquer qu’Anandji nous a donné son feu vert pour s’installer dans le camp et lui demande si Alain est ici. Alain Carayol, c’est un français rencontré à Varanasi quelques jours plus tôt, à qui j’avais donné l’adresse de ce camp, au cas où il ne trouverait rien d’autre. Il est effectivement ici, somnolant dans son sac de couchage, sous la tente qui nous a accueillie pour la soirée bhajans. Lui aussi est mal fichu, assommé par la fièvre.
On va donc retourner chercher nos affaires, mais Lavinia et moi sommes toujours sur les genoux et nous n’avons pas la force de faire le trajet à pied. J’arrête un 4×4 qui passe à vide et lui demande s’il peut faire l’aller-retour avec moi. On négocie le trajet à 150 roupies et on part avec lui sur les routes défoncées et inondées. Les épaisses et solides plaques métalliques qui les couvrent sont elles-mêmes défoncées. Arrivés au camp des voisins, on charge les affaires dans le 4×4, on fait nos adieux aux pèlerins qui nous ont accueillis ces quelques heures en les remerciant chaleureusement et on part s’installer au camp d’Anandji.
Installation dans le camp d’Anandji, l’avocat
On nous installe dans la tente où se repose Alain, mais elle a bien morflé aussi et le sol de paille est encore très humide, ainsi que tout ce qu’elle contient. On étend donc par dessus la toile de sol plastifiée de notre petite tente avant de se poser et on ouvre grand les parois de la grande tente pour faire sécher l’intérieur.
On nous propose un repas, qu’on accepte sans avoir trop faim, et qui nous est servi trois heures plus tard. On se fait une petite sieste en attendant. J’ai toujours de la fièvre, une otite qui commence, de la diarrhée et ma bronchite asthmatique m’arrache les poumons. Je n’arrive pas à dormir, d’autant que les indiens du camp viennent constamment nous solliciter, mais je joue le mort. Je n’ai ni l’envie, ni l’energie de faire du small talk pour l’instant.
Les autres hôtes
Pendant ce temps, Lavinia fraternise dehors avec les femmes qui logent dans les autres tentes du camp. Elles sont sur le départ, leurs affaires les attendent déjà à l’entrée, prêtes à être embarquées.
Balade nocturne
Anandji débarque vers 19 heures, comme si de rien n’était. Avec Lavinia, on part faire un petit tour dans le coin après manger, histoire de se faire un tchaï. La nuit est tombée depuis longtemps, mais on constate néanmoins qu’ici aussi les camps ont subi d’importants dommages avec la tempête. Les indiens parlent d’ouragan, ce qui semble justifié… De nombreux portiques se sont arrachés et gisent sur le sol, des tentes sont effondrées, des camps, notamment le dispensaire situé en face du camp d’Anandji, ont dû être entièrement évacués. La Kumbha Mela est encore un gigantesque champ de boue glissant, même si le sol a résorbé une bonne partie de l’eau durant la journée.
Bien peu de magasins sont ouverts ce soir et bien peu de clients potentiels aussi. Lavinia dégotte tout de même une échoppe ou deux pour s’acheter des bangles à quelques roupies, avant qu’on ne retourne au camp.
Tout le monde se couche, mais le néon qui éclaire la tente est laissé allumé. Il n’a pas d’interrupteur, je pique ma crise et en débranche les câbles d’alimentation. Envie de dormir correctement ce soir… Demain, on espère aller au Sangam, que Lavinia n’a pas encore vu. Anandji nous a aussi invités à venir manger à son domicile demain soir. Alain est aussi invité à y dormir, vu son âge et son état de santé. Anandji lui a donné rendez-vous au camp à 16h pour le prendre en voiture, car il a un pass qui lui permet d’accéder à la Kumbha Mela.
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