Ce matin, je me fais réveiller par la moitié du camp qui n’a pas encore vu notre canadienne. Nos râjasthânis intrigués testent les fermetures éclair, secouent la tente pour voir comment elle tient debout, se marrent et font des commentaires tonitruants. Comme réveil en douceur, on fait mieux. Mais ça, c’est un concept inconnu en Inde…
Si l’air est encore très humide en raison de l’orage de cette nuit, le sol a déjà pompé presque toute l’eau qui se rependait en longues flaques dans la tente commune, ainsi qu’à l’extérieur. Le ciel s’est dégagé, mais un vent violent continue à souffler sur la Kumbha Mela. Dans la matinée, un portique à l’entrée de notre chemin va d’ailleurs céder sous les bourrasques.
Distribution du p’tit déj’ aux passants
Dehors, une partie du contenu des tentes a été étalé sur l’herbe et sèche sous un soleil encore timide. Je n’ai pas trop le temps de glandouiller: on nous met d’autorité dans le détachement qui va offrir le petit déj’ aux passants, une tradition apparemment à la Kumbha Mela. Les camps organisent des distributions de nourriture aux pèlerins qui passent. Rien faramineux toutefois, bien que goûteux: une casserole XXL de blé au masala.
On s’installe en bord de route et on commence notre distribution. Peu à peu, les pèlerins arrivent. Des personnes isolées, des groupes, des sâdhus, des villages entiers passent, prennent un petit bol qu’ils mangent sur place. Certaines personnes semblent n’avoir pas mangé depuis un moment, tandis que d’autres déclinent. En une demi-heure, la casserole est vidée. On retourne au camp, content de notre B. A.
Le photographe officiel
Aujourd’hui, la récitation de Rituraj narrera la naissance de Krishna. Une cérémonie particulière est prévue, retransmise en direct dans toute l’Inde sur une chaîne thématique religieuse, et on nous a demandé de rester au camp pour y participer. Ce qui n’est pas pour me déplaire: j’ai les pieds douloureux des kilomètres bouffés ces derniers jours, sans compter une petite insolation chopée hier.
En attendant la cérémonie qui début en milieu d’après-midi, je traîne dans le camp, faisant quelques photos. De fait, je deviens un peu le photographe officiel du camp. On vient fréquemment me demander de prendre tel ou tel en photo. PA et moi, on en profite aussi pour vaquer à quelques basses occupations domestiques, comme la lessive.
La naissance de Krishna
La cérémonie se prépare peu à peu. Des banderoles annonçant l’événement sont tendues à l’entrée du camp. Tout le monde est un peu sous pression en raison de la retransmission télévisée, mais la cérémonie débute bien évidemment avec pas mal de retard. Les deux premières heures ressemblent aux autres cérémonies auxquelles on a déjà participé. C’est un peu somnifère pour qui ne comprend pas le hindi.
Heureusement, les récitations sont toujours entrecoupées de sets musicaux accompagnés de chants et de danses qui mettent de la vie dans l’assemblée. Je n’y coupe pas, je suis mis à contribution pour les danses. Ils adorent… Le public dans la salle est clairsemé au début, puis des pèlerins d’autres camps se joignent aussi à nous et la tente se remplit rapidement.
Je remarque alors une animation inhabituelle dans une tente et on me fait signe de venir. Je quitte la salle et m’y engouffre. Une petite statue métallique parée de bijoux et d’habits d’apparat est disposée sur un coussin au centre de la tente. Les jeunes du camp font les cons avec des déguisements.
On me passe une étrange perruque sur la tête qui fait marrer tout le monde, avant qu’un des râjasthânis ne l’enfile à son tour, avec une fausse barbe de Père-Noël en prime. Des guirlandes d’œillets sont enroulées autour de la statuette, qui est ensuite posée sur la tête de l’homme déguisé. C’est le clou de la cérémonie : un rishi (?) apportant Krishna au Monde. Notre rishi pénètre dans la salle commune, la statuette sur la tête. La foule est en liesse, la musique se fait plus rapide, les chants que tout le monde connaît s’élèvent avec vigueur sous la tente.
La statuette de Krishna est alors déposée sur la scène. Les danses et les chants se poursuivent en musique, tandis que Rituraj reprends sa récitation. Un homme et une femme en habits de fête miment une pièce que l’on ne comprend pas. L’assistance se lève, tape des mains en rythme, chante avec force. Des billets de banque sont déposés autour de la statue.
Cérémonie de l’Aarthi
La récitation se termine, mais pas la cérémonie. Après une courte pause, Moji Baba et sa disciple entrent en scène et prennent place sur l’estrade. Chacun s’exprime à son tour, puis commence la cérémonie du feu, l’aarthi, à laquelle nous participons aussi. Des plateaux contenant une bougie de ghee et de la poudre colorée sont balancés à bout de bras devant les gurus. La scène est toujours accompagnée de musique et de chants. Puis chacun dépose un billet de cinquante ou cent roupies sur l’estrade. La cérémonie prend fin, du riz sucré est distribué à l’assemblée, ainsi que du tchaï.
On découvre le baati, une spécialité rajasthani
On passe ensuite à table. Pour l’occasion, une spécialité râjasthâni a été préparée : du baati. C’est une boulette végétale cuite dans la braise, avec une épaisse croûte. Ça ressemble un à une pomme de terre cuite dans la braise, en plus sucré, plus goûteux. Délicieux.
La Kumbha Mela by night
Comme il n’est pas encore trop tard, on part se boire un tchaï au pont 15 et faire un tour. En chemin, on tombe sur plusieurs pièces de théâtre méga-kitschouilles jouant des scènes des grandes épopées indiennes, avec un pathos hallucinant…
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