Après une ballade hier dans le centre ville de Shiraz et ses bazars, j’ai vu aujourd’hui le plus bel édifice que je n’aie jamais vu. Et j’en ai vus. Le Aramgah-e Shah-e Cheragh, le « Holy Shrine », une des moquées les plus sacrées pour les chiites. Un tombeau, en fait.
Il contient entre autre la tombe de Sayyed Mir Ahmad, un des frères de l’Imam Reza (765-818), lui-même un des douze Imams considérés par le chiisme comme descendants du Prophète, mort à cet endroit en 835).
L’entrée y est désormais interdite avec des appareils photos et des caméras vidéo (il y a une consigne gratuite à l’entrée, à gauche). Donc pas de photo de l’intérieur pour ce post (sauf celle d’Ali Reza, ci-dessus, piquée sur le net), mais je vais tenter l’impossible: décrire l’indescriptible.
La cour principale
Lorsqu’on passe l’entrée principale au nord-ouest, dont les mosaïques sont véritables et non des catelles peintes (voir photos ci-dessous), on débouche sur une gigantesque cour dallée entourée de bâtiments en brique beige et décorés de mosaïques dans la partie supérieure et sur les piliers, retranscrivant des versets du Qoran en blanc sur fond bleu.
Au centre des ailes nord, sud et est se situent de hautes alcôves aux plafonds en stalactites couverts de mosaïques bleues. Au centre de la place, une fontaine en marbre est entourée d’arbres sous lesquels sont disposés des tapis où les pèlerins de reposent.
Aramgah-e Shah-e Cheragh, le Holly Shrine
La large mosquée, encadrée de deux minarets et surplombée d’un dôme en mosaïque incrustée d’or, se situe dans l’aile ouest. Un haut avant-toit est soutenu par d’épaisses colonnes octogonales en bois reliées entre elles par un muret de marbre vert, entièrement sculpté. On accède aux portes principales de la mosquée par les côtés des murets – les hommes à gauche, les femmes à droite – après s’être déchaussé. Il y a une consigne à l’entrée, mais on peut aussi garder ses chaussures à la main. Des sachets en plastiques sont à disposition pour y introduire ces dernières. Et on pénètre dans le saint des saints, annoncé par une lourde porte couverte d’or et d’émaux, dont le panneau central est protégé d’une vitre. Les pèlerins embrassent et caressent la porte en entrant.
Un travail d’orfèvre d’une rare finesse
Sur le seuil, je suis resté figé. Bouche bée devant la beauté du lieu. Les pèlerins me passaient à côté et je restais planté là. Devant moi, un spectacle magnifique. Les murs et les hauts plafonds en stalactites, sont entièrement constitués d’une mosaïque en trois dimensions d’arabesques, de volutes et de figures géométriques en miroirs blancs, verts, jaunes, rouges ou bleus, dans des teintes parfois pâles, parfois saturées. L’intérieur du dôme également, avec des versets du Qoran écrits en blanc sur fond bleu sur toute la circonférence de sa base. De hautes et larges fenêtres descendant jusqu’au sol sont en grande partie constituées d’une mosaïque de vitraux rouges, bleus, verts ou jaunes qui se reflètent dans les mosaïques de miroirs. Dans les murs sont encastrés ici et là des versets du Qoran calligraphiés sur papier de soie et encadrés. Le sol en marbre vert est couvert d’épais tapis iraniens rouges et des plaques du même marbre montent sur les murs jusqu’à hauteur de ceinture. Du plafond descendent d’immenses lustres en cristal. Des portes séparent certains espaces de la mosquée. Leurs portes sont en argent, lui aussi finement ciselé, ou en marqueterie. L’espace est divisé en plusieurs pièces de différentes tailles où prient les pèlerins. Sur la droite, une séparation délimite les zones hommes et femmes et cache les uns à la vue des autres.
Le tombeau de Sayyed Mir Ahmad
Au centre, sous la coupole, repose le tombeau de Sayyed Mir Ahmad. La pierre tombale en marbre, surmontée d’un large et bas coffret laqué en marqueterie, est entourée d’une structure en argent finement ciselé, avec des ouvertures vitrées laissant apercevoir l’intérieur. Des versets du Qoran, écrits en lettres d’or sur fond bleu, et des fleurs sont incrustés ou sculptés dans le métal (voir photo ci-dessus). Derrière, une alcôve au plafond en stalactite dorée. Les pèlerins déambulent autour en l’embrassant, en la caressant, puis se touchent la tête ou le corps des mains. Parfois, l’un d’eux crie quelque chose à la cantonade et la foule lui répond. Ne pouvant prendre de photos, je me suis assis contre un mur après avoir fait le tour des lieux et j’ai pris des notes pour immortaliser cet instant. En sortant de la mosquée, je me suis assis sur un tapis sous un arbre pour fumer une clope (c’est autorisé dans la cour). Il était treize heures. Le chant du muezzin, d’une grâce exceptionnelle, est sorti d’un haut-parleur placé juste au dessus de la tête.
Bogh’e-ye Sayyed Mir Mohammad
Dans le coin sud-est de la cour se trouve un autre tombeau superbe que visitent des pèlerins qui viennent y prier, Bogh’e-ye Sayyed Mir Mohammad. Bien que nettement plus petite, l’entrée a la même apparence que sa grande sœur à l’exception du plafond de l’alcôve de l’entrée qui est doré. La porte de cette dernière est aussi en or finement ciselé et en émaux et, à l’intérieur, on retrouve également le même travail raffiné de mosaïque de miroirs de diverses teintes. De larges piliers créent des espaces distincts, comme toujours couverts d’épais tapis, rendant l’endroit très intimiste. En face de l’entrée s’élève un tombeau d’argent ciselé monté sur un socle de marbre vert. L’intérieur révèle une « pierre » tombale en bois, délicatement réalisée en marqueterie. Dans la salle de droite, un spectacle identique, sauf que la pierre tombale est un bloc de marbre vert sculpté de versets coraniques. Au fond de la pièce, au centre d’un grand miroir en mosaïque trône l’effigie de l’Ayatollah Khomeyni. La partie supérieure des deux tombeaux est recouverte d’un velours vert portant des versets et de petites coupures de billets de banque recouvrent les pierres tombales. Au fond de la mosquée, un grande salle au plafond entièrement réalisé en marqueterie. Les mêmes scènes se rejouent, les gens entrent, embrassent et caressent la porte et les tombeaux, puis se mettent dans un coin pour prier. Je suis généralement très réticent à entrer dans des lieux de cultes que je considère comme des espaces de recueillement très intimes où les touristes n’ont pas leur place. Cette fois, je ne l’ai pas regretté. C’était la première fois que j’entrais dans une mosquée. A la sortie, j’espérais trouver un CD de photos pour illustrer mon post, mais tout ce que j’ai pu dénicher, c’est un petit bouquin avec des photos merdiques en quadri. J’essaierai de le scanner à mon retour et d’améliorer les clichés. On verra ce qu’on peut en tirer.
Khoshk River
Le soleil tapait dur à deux heures de l’après-midi dans cette énorme cour dallée. Le contraste avec l’air frais des mosquées était éprouvant. Bien qu’encore sous le coup de la splendeur de ce lieu, j’ai eu besoin de fraîcheur. Je suis donc parti en direction de la Khoshk River, la rivière qui traverse Shiraz, au nord de Zand Boulevard, pensant la longer jusqu’à l’Azadi Park. J’imaginais un cours d’eau rafraîchissant bordé d’arbre et d’ombre. Malheureusement, la Khoshk River, en mai, elle est comme ça :
Un peu déçu, je l’avoue. C’est alors que je remarque un dôme au nord. C’était la mosquée Imamzadeh-ye Ali Ebn-e Hamze (XIXe).
Imamzadeh-ye Ali Ebn-e Hamze
J’ai certainement vu là une occasion de combler mes frustrations photographiques. Ni une, ni deux, j’ai mis le cap sur la mosquée. Ici aussi, des mosaïques véritables sur les murs extérieurs, une petite cour agréable, et à l’intérieur de belles mosaïques en miroir, ainsi qu’un tombeau en argent ciselé, celui d’un certain Emir Ali (IXe), contemporain de l’imam Reza. Mais de loin pas l’exceptionnelle somptuosité d’Aramgah-e Shah-e Cheragh.
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Puis, je suis rentré à l’hôtel. Ce soir, je dois voir Bernard, un ami et ancien collègue, qui est arrivé hier soir avec un groupe. Sa femme, réfugiée politique, est iranienne et il souhaitait découvrir ce fabuleux pays.