Iran 2012 – Arrivée à Masuleh

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Neuf heures du mat’ et quelques heures de sommeil à rattraper. Mon taxi me largue au pied de Masuleh avec mon sac à dos. Le village s’agrippe à la montagne au-dessus de moi. Une rue en forte pente me fait face pour y accéder. No choice… je monte. J’arrive à une petite rue piétonne qui part à flanc de coteau sur la droite. Des panneaux en farsi indiquent plusieurs destinations dans cette direction. Des magasins fermés la bordent côté montagne. Je m’y engage dans l’espoir d’arriver au centre du village et d’y trouver un hôtel. D’après le Lonely, il y aurait aussi des chambres à louer chez l’habitant. La rue est à peu près déserte. Je vois des enseignes et des pancartes en farsi sur certaines maisons, sans en comprendre la signification. Je continue, ça grimpe sec, mes jambes râlent, mon dos aussi. Un peu rude après une nuit dans le bus. Je dois me rendre à l’évidence : je n’ai plus vingt ans…

Loger chez l’habitant

Plus haut, je croise un couple de touristes iraniens. Ils sentent Téhéran à plein nez. Je leur demande où je peux trouver un hôtel. Elle parle anglais et me dit qu’ils logent dans une « suite », chez l’habitant, tout neuve et très propre. Il y en a peut-être encore une de libre dans l’immeuble. Ils m’accompagnent donc jusqu’à leur maison, car je suis un peu perdu dans toutes ces ruelles.

Ici, par « suite », on entend un studio avec deux à six lits, une salle de bains, une partie living et une kitchenette. Souvent les logeurs n’habitent pas la maison même, ce qui est le cas pour eux. Il essaie d’appeler son logeur, qui ne répond pas. Passe Saied, un jeune gars tout sec, qui gîte d’un bord à l’autre lorsqu’il marche. Un problème de bassin semble à l’origine de sa démarche. Il parle très peu anglais, mais est plein d’enthousiasme et arrive à me faire comprendre qu’il a une suite à louer qui va se libérer d’ici deux heures. Arrive alors le logeur de mes deux touristes, Mehdi, le « Boss du village », comme je l’appellerai par la suite. Un gars lui aussi dans la trentaine, qui traverse le village en bombant le torse et en parlant fort, imbu de lui-même. Un arriviste. Il se débrouille pas trop mal en anglais et possède aussi une des rares épiceries du village, en plein centre, en plus de plusieurs maisons d’hôtes. Il me fait une théorie, à laquelle j’adhère par ailleurs, sur le nécessaire soutien à l’économie locale en louant des suites aux habitants plutôt que dans les hôtels détenus par de riches téhéranais. Lui aussi aura une suite qui se libère d’ici deux heures. Il me donne son numéro de portable. Je l’appellerai plus tard, au besoin.

Chez Saied

Je demande à Saied de me monter aussi où se situe la suite qu’il me propose et je repars avec lui, apprès avoir remercié le couple de touristes. On débouche en bordure du village, sur une route en cul-de-sac le long d’une rivière. Sur la gauche, des véhicules stationnés, sur la droite des magasins fermés et au fond, un pont et une cascade. Pas terrible, tout ça, à part la cascade. Les chambres sont à l’étage ; au rez, il tient une boutique de bibelots et de céramique de Hamadan. Elle est encore fermée, mais il me propose d’y laisser mon sac à dos, ce que j’accepte volontiers.

Saied, mon logeur à Masuleh

 Première visite de Masuleh


J’ai faim. Je lui demande où est-ce que je peux me faire un petit-déj. Il me dit qu’il va me montrer et m’entraîne dans les ruelles du village. On retourne sur la rue principale, où on marche jusqu’à un endroit qui fait office de bazar. Des échoppes commencent à ouvrir. On les passe et grimpe jusqu’à une terrasse, aménagée sur le toit d’une de ces échoppes. On s’y installe. La vue sur le village et la vallée est splendide. La température agréable. Un jeune serveur vient prendre notre commande. Je demande ce qu’il a pour le petit-déj. «Eggs», il me répond. Bon, on fera avec, va pour un œuf. On prend du thé avec. Je reçois deux œufs au plat avec une grande galette de pain. En fait, c’est plus une buvette avec des qalyans à fumer qu’un resto.

Petit-déj. oeufs-thé à Masuleh

Mon futur logeur potentiel reste avec moi. On essaie de communiquer avec mon phrasebook, sur lequel il flashe complètement. Il n’est pas marié, vient en fait de Téhéran et habite à Fuman, bien qu’il dorme souvent dans la boutique qu’il tient avec son père. Ils ont acheté la maison. Je n’ai pas bien compris si Mehdi faisait référence à lui avec sa théorie. Il n’a pourtant pas l’air riche du tout, surtout avec sa claudication, son physique malingre et son air de chien battu. Il a réellement l’air désespéré, à l’affût de clientèle. Je dois avouer que je le prends un peu en pitié. Il est par ailleurs d’une gentillesse incroyable et d’une grande douceur. Je l’aime bien.

Il boit son thé, le finit et reste avec moi. J’ai le sentiment qu’il ne veut pas lâcher un probable client. Au bout d’une heure, il me dit qu’on peut y aller et on retourne à sa boutique, qu’il ouvre. Les locataires de la chambre ne sont apparemment pas encore partis. Il m’installe dans sa boutique, allume la télé et mets des clips mièvres de musique iranienne, en me proposant du thé. Des clients commencent à arriver, achètent des céramiques et des tasses made in China qu’il enveloppe dans du papier journal.

La maison de Saied à Masuleh. Sa boutique en bas, les suites au premier. La mienne est à droite.

« Ma » suite

Ma suite chez Saied, à MasulehUne heure passe, puis une femme vient pour « nettoyer » la chambre, assez sommairement je dois dire. Il me semble que les draps et teilles d’oreiller n’ont pas été changés (mais peut-être sont-ils propres, bien que jaunis et froissés), des cheveux traînent encore par terre dans la salle de bains, quelques miettes jonchent le tapis et le sol de la cuisine. 

Mais la chambre est assez sympa, spacieuse. Un petit couloir avec une salle de bains surélevée à droite donne sur une pièce principale avec trois lits, des moulures au plafond et un espace au sol près des fenêtres. Une kitchenette ouverte à droite (un peu cradoque) et un balcon tout en longueur avec des pots de géraniums. Ils adorent ça ici, les géraniums. Il y en a partout.

Je pose (enfin) mon sac, en sors mes tongs et passe sous la douche après lui avoir rincé le sol. Je recouvre mon lit d’un drap propre apporté par Saïd et l’oreiller d’un de mes sarong. Je m’écroule et dors quelques heures, trop heureux d’avoir enfin un lit.

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