Finie, la Kumbha Mela. Aujourd’hui, on retourne sur Varanasi. Je ne suis pas fâché, en fait. J’y ai passé près de deux semaines et j’en ai joliment fait le tour, d’autant qu’elle s’est considérablement vidée depuis le Main Bathing Day le 10 février. Il reste encore deux bains importants, le Maghi Purnima Snan le 25 février et le Shivaratri Snan le 10 mars, mais il n’y a pas de cortège ces jours-là, comme c’est le cas lors du Main Bath. Donc pas vraiment de raisons de rester plus longtemps. De toute façon, je ne pourrais pas, notre vol de retour est dans trois jours.
Donations
Donc on décanille ce matin. Andy est déjà parti, direction le Rajasthan, lorsque je me lève. Le camp est presque désert. Seuls y restent les deux gars de l’intendance. Avec Lavinia on plie nos bagages, mais on a décidé de faire une bonne donation en nature: tous les matos dont on n’a plus besoin, notamment la tente et les épaisses couvertures qu’on a achetée en début de semaine font partie du lot. Inutile de revenir à Varanasi avec, autant qu’ils en profitent au camp. Les couvertures vont certainement encore y servir durant un demi siècle, lors des nombreuses Kumbha Mela qui vont suivre.
Avant de partir, on dépose dans la «red box» prévue à cet effet une modeste donation de 1’000 roupies pour la semaine. Le frangin d’Anandji avait lourdement insisté ces derniers jours sur l’utilité de cette petite boîte rouge disposée sur l’autel à l’entrée du camp, en appuyant bien sur le fait qu’il ne fallait pas donner de cash directement aux gars de l’intendance. Ce qu’on fera néanmoins car ils l’ont bien mérité. Et franchement, je préfère donner mon fric à ces humbles bosseurs qu’à Anandji et ses bourgeois de potes méprisants…
Quitter Allahabad ? pas si simple aujourd’hui…
On quitte donc le camp en milieu de matinée et on met le cap sur le pont routier qui enjambe le Gange et la Kumbha Mela pour trouver un moyen de transport jusqu’à un bus pour Varanasi. Après un dernier tchaï à Daraganj, on tombe sur un sâdhu en transe le long de la route, puis on monte sur le pont.
Le trafic y est dense, mais on trouve un rickshaw libre dans lequel nous montons, avant de nous retrouver coincé dans un monstrueux embouteillage. Tout le centre d’Allahabad semble congestionné. Notre chauffeur finit par trouver une parade en s’infiltrant dans une rue latérale.
Grève générale des services publics
Lorsque nous arrivons au bus terminal d’Allahabad, il est vide. Personne. Aucun bus. Etrange. Le rickshaw wallah arrête un groupe d’étudiants qui passe dans le coin. Bad news : aujourd’hui est jour de grève générale dans tous les services publics d’Uttar Pradesh. Faut qu’on trouve une autre solution pour rejoindre Varanasi. On essaie les bus privés, plus chers, dans un premier temps, mais eux aussi font grève aujourd’hui par solidarité.
Reste le train. Là, je stresse un peu, craignant une cohue phénoménale à la gare et dans les trains en partance d’Allahabad. Mais a-t-on le choix ? non, à moins de faire péter le budget avec un taxi. J’ose même pas imaginer le prix jusqu’à Varanasi qui est à cent vingt kil’ d’ici. Donc la gare.
Direction la gare
Étonnamment, la gare n’est pas prise d’assaut et je trouve un guichet plus ou moins accessible. Héhé : il y a un train pour Varanasi qui part dans vingt minutes, mais il fait un petit détour par Jaunpur, une modeste ville au nord de l’axe Allahabad-Varanasi. Cool quand même. J’achète deux billets en 2nd class sleeper, et on bombe vers le quai, ce qui nous demande quelques zigzags à travers la gare. Le pont d’accès à la plateforme qui se trouve à côté des guichets est en effet celui dont une partie s’est effondrée le jour du Main Bath, faisant 38 morts, et est encore fermé. On en prend donc un autre, on monte, on descend, on remonte, on redescend, jusqu’à ce qu’on arrive sur notre quai, qu’on découvre bondé.
Un train presque vide, ça existe en Inde !
On trouve notre wagon, nos places. Le compartiment est presque vide. Il y a juste un jeune étudiant sur la banquette d’en face. Je descends acheter à boire et quelques victuailles sur le quai, lorsque que le train démarre. Je speede et dois grimper en marche dans un des derniers wagons. Je remonte le train jusqu’à notre compartiment et, chose étrange, le train est à moitié vide.
Malgré mes craintes initiales, le trajet jusqu’à Varanasi restera dans ma mémoire comme un des plus agréables voyages dans un train indien. La température est parfaite, le compartiment reste presque vide durant tout le trajet et notre étudiant se révèle très sympa et d’une grande gentillesse. Il y a des avantages à être sur une petite ligne campagnarde, hors des grands axes ferroviaires. Lavinia en profite pour piquer un somme sur la banquette, épuisée après la semaine qu’on vient de passer.
Pendant qu’elle dort, je discute avec Nirmal Dubey, l’étudiant. On parle de ses études (techniques, comme le 99% des étudiants indiens) et de musique. De sa famille aussi dont il me montre les photos sur son laptop. Chez lui, ils ont une tradition familiale dans les forces de l’ordre. Père et grand-père flics, frangin flics. Ce dernier avec une vraie gueule de tueur, lunettes de soleil d’aviateur sur le nez, le genre qu’on aimerait pas croiser dans la salle d’interrogatoire d’un commissariat indien. Notre étudiant est d’ailleurs un fan d’armes dont il a un catalogue plein dans sa bibliothèque de photos, ainsi qu’en fond d’écran. Après ses études, il aimerait bien devenir inspecteur. Reste que c’est un jeune type très sympa et plein de douceur. Je l’imagine mal en flic indien. Mais bon, il fera ses expériences. Espérons juste que son naturel garde le dessus…
Il descend quelques heures après notre départ d’Allahabad dans un petit village, où il va retrouver sa grand-mère durant ses vacances. Ses amis d’enfance aussi, car il a vécu plusieurs années à cet endroit.
Avec Lavinia, on arrive à Varanasi en début de soirée, après un voyage juste délicieux.