Dans les méandres de l’administration postale népalaise

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A Goa, début février, comme je me dirigeais vers le sud de l’Inde et le chaud, je me suis envoyé un paquet en poste restante à Kathmandu avec mes effets personnels pour le froid. C’était il y a deux mois. Etant maintenant à Kathmandu, où les températures ont quelque peu chuté par rapport au Kerala, je suis allé chercher mon paquet à la GPO (General Post Office, la poste principale de Kathmandu). Courage, patience et persévérance !

 

 

Commençons par le commencement… Comme je loge à Bodhnath, à environ six kilomètres de Kathmandu, j’ai pris un taxi pour faire l’aller-retour jusqu’à la GPO. Mon chauffeur, qui maîtrisait bien les chiffres en anglais pour négocier le prix du trajet, le comprenait bien moins pour le reste. Quand je lui ai demandé d’aller à la GPO, il a compris quelque chose comme G.P. Road, ou un truc du genre. Donc, passé le palais-musée machin, au lieu de tourner à gauche pour aller en direction de la poste, il s’est enfoncé dans Thamel. Ayant un sens de l’orientation assez développé, j’ai été surpris de la direction et me suis permis de lui demander s’il était sûr du chemin, en articulant bien le « GPO – General Post Office », cette fois. Et cette fois, il a compris. Ni une ni deux, il a tourné dans une petite rue perpendiculaire s’enfonçant dans la vieille ville. Les rues ont commencé à se rétrécir, à se défoncer. Sa petite Suzuki-Maruti s’est mise à faire des bonds sur les plaques de pierre servant de revêtement et disjointes parfois de vingt centimètres. Après avoir cru une dizaine de fois qu’on perdait des roues et des ressorts, on a finalement rejoint un des axes principaux qui nous a mené jusqu’à la post office. Mais pas du bon côté du bâtiment. Donc marche arrière dans le trafic sens unique à cet endroit, jusqu’à trouver la bonne entrée. « J’en ai pour vingt minutes », lui assurais-je. Et je me suis élancé dans le bâtiment principal.

Devant moi, une série de guichets à moitié vides plongés dans une semi-obscurité. Peu de monde et une employée qui se tourne les pouces. Je m’approche et lui explique que je viens chercher un paquet en poste restante. Elle est un peu perdue et me renvoie vers un de ses collègues qui ne fait pas grand-chose non plus, apparemment. Je recommence mes explications : « je viens chercher un colis que je me suis envoyé en poste restante ». « Vous voulez envoyer un paquet ? où ? » me répond-il, puis après que j’aie recommencé mes explications, il me dit de passer derrière les guichets et d’aller voir dans une pièce à l’arrière. J’y trouve une de ses collègues, qui me tend un bac en plastique rempli de lettres qui attendent leur destinataire. Le long des murs, jusqu’au plafond, des casiers remplis de paquets. Mais aucun ne ressemble au mien. Je lui explique que c’est un gros paquet que je viens chercher et qu’il ne se trouve ni dans le bac, ni dans les casiers. Le collègue qui m’a envoyé là arrive et m’envoie dans le bâtiment d’à côté, dénommé « Parcels ». Room 32, précise-t-il.

Je ressors et pénètre dans l’annexe « Parcels » où plane une forte odeur d’urine pas fraiche. La room 32 est en face de moi, de plein pied. Elle est séparée par un guichet dans le sens de la longueur et à peine éclairée par quelques timides tubes fluorescents. J’explique l’objet de ma visite à un employé. « Vous voulez envoyer un paquet ? où ? ». Je recommence et il m’envoie vers sa collègue au fond du local. Je recommence. Elle n’a pas l’air de comprendre et me dit d’aller voir au guichet principal. Je lui explique que j’en viens et qu’ils m’ont demandé de venir ici. Elle me demande alors de passer derrière le guichet et m’amène dans une première, puis une seconde pièces en enfilade, toutes encombrées de colis qui trainent ici et là, par terre ou sur des étagères.

Arrivés vers deux postiers affairés à déplacer des paquets, l’un deux me tend un carton vide. Un peu dépité, je lui explique que je viens chercher un colis, pas un carton vide pour en envoyer un. « Vous voulez envoyer un paquet ? où ? » me demande-t-il. Non, non, pas envoyer, chercher… un paquet d’Inde. Un paquet d’Inde ? ‘pas vu… Je déambule alors dans les trois pièces remplies de colis, furetant un peu partout dans l’indifférence la plus totale, mais ne trouve pas le mien et reviens vers la postière qui m’envoie dans la room 29, dans l’aile d’à côté.

J’arrive à un guichet en L derrière lequel deux hommes discutent et je ré-explique mon bla-bla. « Vous voulez envoyer un paquet ? ce n’est pas ici. Il faut aller dans le bâtiment principal ». « Non, je viens chercher ! ». Ah ! bureau 29, là derrière… J’y accède après voir passé un panneau « No Entry». Là, une femme en sari est assise à un bureau d’un autre temps, devant des cages en grillage métallique remplis de colis. J’explique une fois encore la raison de ma présence.

–     –  Vous avez le tracking number du colis ?

–     –  Non. Je dois l’avoir à l’hôtel, mais l’hôtel est loin et je n’ai pas pensé à le prendre… Je ne pensais que cela soit nécessaire pour le retirer.

–     –  Impossible de le retrouver, si vous n’avez pas le tracking number. Il y en a trop ici.

Je commence à déprimer, quand elle ouvre un livre comptable sur le bureau d’à côté et là, en troisième position, je vois une fiche à mon nom. Alléluia !

–    –   C’est ça ! je m’exclame.

–    –   Ah ! dit-elle, aussi surprise que, me semble-t-il, déçue. Je viens de la contredire, faut dire.

Je me dis : c’est dans la poche ! je sors mon passeport pour lui prouver que je suis bien celui que je prétends. « Il me faut une copie du passeport » me dit-elle. Merde, ça j’ai plus avec moi. J’ai laissé la dernière à la guesthouse à Delhi… « …Et où est-ce que je peux faire une copie de mon passeport ? » je lui demande. Il faut sortir de la poste, ici ce n’est pas possible. Bon, je prends le formulaire à mon nom qu’elle me tend et sors du complexe postal, trouve un cybercafé-copyprint dans une rue du quartier, fais faire ma photocopie et reviens vers ma postière, agitant mon trophée. C’est à peine si elle me regarde et m’envoie dans un autre bureau du mon de « Customs Office ».

La pièce est occupée par une demi-douzaine de personnes affairées à des tâches administratives. Je tends mon formulaire à une d’elles, qu’elle prend. Elle sort un autre formulaire, rose cette fois, en trois exemplaires avec papier carbone entre chaque page et agrafé d’une aiguille de couturière.

Elle y griffonne des trucs en népali, me demande d’y écrire mon nom et mon numéro de téléphone et de le signer, puis me renvoie à ses collègues du guichet en L. J’y donne la liasse et un des gars quitte la pièce avec le premier formulaire, tandis que son collègue me revoie au Custom Office avec mon formulaire rose. Ce dernier passe dans les mains d’une personne, puis d’une seconde et enfin d’une troisième, chacune y écrivant quelques compléments. On me dirige vers un autre bureau, celui du chef « Custom Officer » comme l’indique la plaque sur sa porte. Il y gribouille des signes que seuls les initiés peuvent comprendre et me renvoie vers ses subordonnés, dont deux ajoutent des notes à mon formulaire rose, avant de me renvoyer au guichet en L, qui me demande d’aller chercher une des personnes du Custom Office. Mais là, à ce moment, oui, mon paquet est bel et bien posé sur le guichet. Je jubile ! Mais ce n’est pas encore tout à fait fini…

L’employé du guichet en L s’apprête à ouvrir mon paquet avec sa collègue « Custom » pour témoin. Il s’échine avec un couteau mal aiguisé sur les coutures du colis indien, puis bute sur ma bride en plastique qui maintient fermée la fermeture éclair du sac que le colis contient. Je prends le couteau et mets cinq minutes à venir à bout de ce petit bout de plastique. Et le contenu de mon colis apparaît : un gilet en laine, un sweater, une paire de godasses et un sac de couchage. Qu’il y ait un sac de couchage semble faire sensation. « Spleeping-bag » revient à plusieurs reprises dans leurs échanges. Je leur répète à plusieurs reprises qu’il s’agit d’effets personnels, qu’il n’y a rien de neuf. Et on me renvoie à un des guichets de la Custom Office, toujours avec mon formulaire rose, pour y payer 356 roupies. J’ai droit à quelques formulaires roses supplémentaires et revient à mon guichet en L, où je me refait taxer dix roupies contre un nouveau formulaire, blanc cette fois, et une énième signature. Contre quoi, je peux embarquer mon paquet et partir avec.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Le taximan, qui m’attend toujours dans son véhicule, trouve mes vingt minutes un peu longues et tire la gueule tout le temps du trajet de retour à Bodhnath… mais j’ai mon sweater et mes chaussures de marche !

 

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