« L’Inde m’a envahie jusque dans la moelle. Je l’ai aimée, et tellement, tellement détestée. Et elle m’envahit encore. Elle court toujours dans mes boyaux en insaisissable qu’elle est… Pour la première fois depuis mon retour, j’ai une intense nostalgie de l’Inde. »
Barbara au pays des merveilles (un mois après le retour…)
Ce témoignage est caractéristique de l’ambivalence des sentiments d’amour/haine que suscite un voyage en Inde. Il faut s’y préparer.
Choc culturel
L’Inde ne laisse personne indifférent. Certains flashent complètement et y retournent inlassablement (comme moi), d’autres ne supportent pas et passent leur séjour à pleurer ou fuient dans les 48 heures. J’en ai rencontré. Comme ce voyageur aussi qui décrit son « cauchemar » sur un forum. Ou cet autre qui n’a pas supporté le choc culturel (ce qui ne l’empêchera pas, six mois plus tard, de n’avoir qu’une idée en tête: y retourner !) Ben… le mieux, pour voyager en Inde, c’est de bien se préparer avant de partir et être prêt-e à y renoncer peut-être si on se rend compte que ce n’est pas pour nous.
Il est aussi essentiel de se donner les moyens d’aller au-delà du violent choc culturel qu’on ressent la première fois et de s’adapter à ce pays si différent. Mais cela prend du temps et pour un premier voyage je conseille d’y aller pour au moins deux mois. Il est juste ridicule d’y aller pour dix jours. On n’y verra rien, on n’y comprendra rien et bien souvent on restera sur une vision superficielle et négative de ce pays fascinant.
Les bonnes questions à se poser face au choc culturel, ce sont: « Comment ? » et « Pourquoi ? ». Et de chercher les réponses auprès des Indiens.
Saturation des sens
L’Inde est ce que j’appelle une « expérience complète ». Elle sature tous les sens: l’odorat, la vue, le goût, le toucher, l’ouïe. Les couleurs y sont omniprésentes. Des saris aux enseignes publicitaires, en passant par les arbres et les paysages. Les odeurs aussi, pour le meilleur et pour le pire. Les saveurs sont d’une diversité impressionnantes, mais généralement bien épicées. Les chaos des routes pourries, les rails mal joints des voies ferrées, les wagons et bus parfois bondés, font intégralement vibrer le corps et l’ensemble de ses organes. Les sons sont aussi partout, tout le temps.
Perte des repères
Une telle expérience peut transporter, enivrer, exalter, ravir. Mais elle peut aussi être insupportable et angoissante pour certains. D’autant qu’elle s’associe la première fois à une perte complète de repères, car l’Inde est vraiment un autre planète. On se retrouve dans un pays de plus d’un milliard d’âmes auxquelles on ne connaît rien des moeurs et des valeurs, où la vie ne semble pas compter beaucoup, où la misère, la maladie, les handicaps, la mort parfois, semblent se vivre dans l’indifférence la plus totale. On ne comprend rien à leur spiritualité, ni à leur culture, ni à leur histoire. Aussi, des personnalités angoissées et/ou qui ont besoin d’un cadre sécurisant et/ou ont des difficultés à « lâcher prise » peuvent vivre très mal l’expérience de l’Inde.
Si l’expression des sentiments tels que joie, colère ou tristesse sont identiques aux nôtres, les expressions non-verbales peuvent être différentes des nôtres, voire incompréhensibles. Et créer parfois des quiproquo. Deux anecdotes: lors de mon premier séjour en Inde, je cherchais le consulat suisse à Calcutta et je demande à quelqu’un accroupi sur un muret s’il s’agit bien du bâtiment en face de nous, au fond d’une allée. Il ne parlait pas anglais et me répond avec un dodelinement latéral de la tête. Je lui redemande « oui ou non ? ». Re-dodelinement de la tête. J’ai rien compris. J’ai appris plus tard que ça voulait dire non. Une autre fois, dans un tchaï-shop d’Amritsar, un gros sikh rigolard et l’oeil vitreux attire mon attention en faisant des « ssssssssssst… sssssssssst.. » discrets à mon égard et en me montrant son index avec le pouce. J’ai cru qu’il me faisait des propositions malhonnêtes. Non, il voulait juste me vendre un bout de charras (du haschisch indien).
Un pays de contrastes
C’est probablement ce qui fascine le plus les uns, autant que ce qui dérange le plus les autres. Tout est contrastes. On passe de la plus grande misère aux plus grandes fortunes, des odeurs les plus enivrantes aux plus pestilentielles, de la plus grande tolérance à des flambées de violence inouïes, de la vie à la mort en passant par la naissance, parfois au milieu de la rue. En Inde, tout est possible et il faut s’attendre à tout. On y fait parfois des rencontres d’une intensité déconcertante. On y voit parfois des intestins et de la cervelle sur la route, après qu’une personne se soit fait écraser par un poids lourd.
Un pays de diversité
Géographie et climat
La fascination qu’exerce l’Inde sur beaucoup d’occidentaux tiens assurément à sa diversité. C’est un pays gigantesque, 3’000 km de long sur 3’000 km de large (soit la distance entre Gibraltar et Stockholm), 3.2 millions de km2 (un tiers du continent européen), constitué d’une énorme superposition de patchworks. On passe des plages tropicales du Kerala aux hauts-plateaux inhospitaliers du Ladakh en passant par le désert du Thar et la fertile plaine du Ganges. La côte ouest est constituée d’une longue chaîne de montagnes, le Deccan. L’Himalaya couvre toute la partie nord du pays, d’est en ouest.
Au sud, le climat est tropical avec des températures se situant entre 20 et 40 °C. Le Rajasthan est un désert de roches et de sable avec des températures montant à 50 °C. Géographiquement (et culturellement), le Ladakh fait partie du Tibet, au sein même de l’Himalaya, à plus de 5’000 mètres. Le mercure y fait le yoyo entre des moyennes de -15 °C en janvier à +25 °C en juillet-août (la journée) et la mousson, contrairement au reste du pays, n’y arrive pas en raison de l’altitude.
Précédée de la pré-mousson, une période extrêmement chaude en mai-juin, la mousson sévit de juin à septembre, couvrant peu à peu le pays du sud au nord. Les routes et voies ferrées peuvent être coupées durant cette saison de pluies parfois torrentielles accompagnée de violents orages.
Modes de vie
On passe des centres commerciaux contemporains de Mumbai, avec iPhones, Mc Do et salles de cinéma climatisées, à des conditions de vie et des techniques agricoles qui n’ont pas évolué depuis des siècles à 100 km de là. Le mode de vie occidentalisé des élites urbaines côtoie des systèmes de pensée traditionnels qu’on pourrait estimer dater d’un autre âge.
Religions
La richesse spirituelle de l’Inde est impressionnante: toutes les principales traditions y sont présentes, plus quelques autres: hindouisme, islam, christianisme, bouddhisme, jaïnisme, sikhisme, judaïsme, animisme, parsisme, bahaïsme. Elles vivent généralement en bonne harmonie et font preuve d’un impressionnant respect les unes envers les autres, bien qu’il y ait parfois des explosions de violence intercommunautaires, qui ont malheureusement tendances à augmenter en raison de la montée de l’intégrisme hindou d’extrême droite (Shiv Sena, BJP).
Langues
L’Inde ne compte pas moins de 24 langues officielles, avec plusieurs alphabets, et plusieurs milliers de langues et dialectes y sont parlés. On y distingue deux catégories: les langues indo-européennes au nord (hindi, urdou) et dravidiennes au sud (télugu, tamoul). De fait, l’anglais est la langue véhiculaire usuelle. Le français est encore un peu parlé à Pondichéry (Tamil Nadu), un ancien comptoir français
Le dessous des cartes (arte): l’Inde
(interruption entre 12’00 » et 20’40 »)